Après tout, je n'ai que ça à faire... Je ne me déplace que difficilement, passer de la station assise à debout est un exploit qui me prend plusieurs secondes, au prix d'efforts contorsionnés. Je me revois il y a un peu plus de dix-neuf ans quand le dépotage du Crapaud-poilu m'avait laissé quatorze points de suture à l'entrejambe ... Je bouge avec autant de grâce.
Ça tire au niveau des coutures de tous les petits trous de cœlioscopie, les fils commencent à gratter aussi. "C'est que ça guérit", on me dit. Je ne peux dormir que sur le dos car quand je veux me mettre sur le côté, j'ai l'impression que tous mes boyaux voyagent et c'est douloureux. Donc je ne dors pas beaucoup, ou mal. Mais ça va mieux chaque jour.
Je me sens inutile et comme un poids mort quand lorsque j'écris ces lignes, mon amour est en train de passer l'aspirateur, après avoir fait le déjeuner, la vaisselle et mis une machine à tourner. En fait, j'ai toujours autant de mal à lâcher prise, à me dire que de toute façon, je n'ai rien de mieux à faire. Une fois de plus, je culpabilise et je m'en veux.
J'ai de la chance qu'il soit là...
Et contrairement à ce que j'avais écrit un peu en fanfaronnant, j'ai eu peur. La peur est arrivée sans prévenir, lorsque j'étais dans les petits box clôs de tentures plastique, dans l'antichambre du bloc opératoire. Je me suis mise à sangloter, c'était incontrôlable. Les larmes coulaient et chaque personne qui venait me voir me demandait ce qui se passait.... Je ne sais pas. Est-ce que j'ai peur ? Ben nan, je crois pas. Je pleurais encore quand on m'a mis le masque sur la figure.
Pourquoi je pleure puisque je n'ai pas peur ?
Parce que sans doute, petite menteuse, la peur t'a chopée par surprise et que tu te croyais invincible.
C'est fini, je suis rentrée, je me retape. Lui est là à mes côtés, il était là à mon retour dans la chambre 517, sa main chaude a pris la mienne et à caressé mon front, enlevant les cheveux de ma figure. Je l'aime tellement.
A la maison, dans ma salle de bains, je me regarde le nombril, c'est lui qui a morflé le plus. Il est tout couturé à l'intérieur et se pare de couleurs chamarrées. Un vrai nombril d'Halloween.
Bleu, jaune, violet, indigo, un joli nuancier de mode automne hiver. J'hésite à le prendre en photo, il est tellement tendance, si ça se trouve je ferais un carton sur Instagram.
Sur mon canapé, sous mon édredon, je lis, je regarde la télé, des films, des séries. Et mon nombril. Le temps passe doucement, celui de la convalescence.