Je vous fais une carte de fidélité ?

Non, mais ça va pas ? Est-ce que j'ai une gueule à avoir une carte de fidélité ? Tu m'as regardée ?!

Bon ok, ça, c'est que je réponds dans ma tête, en réalité, je dis "non merci", et seulement depuis quelques années, parce qu'avant, je disais toujours oui. Comme un gentil mouton, comme une gentille fille qui savait pas dire non, de peur de devoir affronter le méchant regard plein de reproches de la vendeuse.

Un jour, mon portefeuille a menacé d'exploser et ma tête aussi, quand je me suis rendue compte que j'en avais environ 25, et surtout, surtout, que je trouvais JAMAIS celle qu'il fallait. "Mais si attendez, je suis sûre que je l'ai, je suis venue une fois il y a environ un an..." Ne cherchez pas Madame, je vais vous en faire une autre. C'est comme ça que tu te retrouves avec deux cartes de fidélité, de ce même magasin où de toute façon, tu ne vas qu'une fois par an. Bien entendu, tu la retrouves deux jours après, en cherchant celle du coiffeur où là, purée, faut vraiment la trouver parce qu'il ne restait qu'une case à tamponner pour avoir le shampooing gratuit.

C'est fini tout ça. Je n'ai plus des fuckings cartes, aucune. Ah si, une seule, une jolie, noire, qui fait chic, celle de Sephoraaaaaah, sésame vers des top moumoutes réductions, mais comme je n'y vais plus trop souvent, à cause de l'argent, tout ça, elle sert plutôt de décoration, genre j'ai une Infinity et c'est trop la classe. Ah si, et j'ai aussi celle de Kiabi, dont je n'ai pas encore réussi à comprendre au bout de combien de tranches de milliers de points j'allais pouvoir avoir une paire de chaussettes offertes mais bon, l'espoir fait vivre. Et.... c'est tout, je crois. Enfin des cartes actives, parce que je te rassure, des qui servent plus à rien, j'en ai une foultitude, que je n'arrive pas à jeter, parce que "on sait jamais".

Mais je n'en accepte plus de nouvelles, et ça, ça, pour une fille comme quoi, c'est une big victoire ! "Mais Madame, elle est gratuite et sans date de validité". Non. "Ça ne vous engage à rien, vous savez ?" Non. Le regard de la fille à ce moment-là, c'est juste une tuerie. En fonction des vendeuses, ça va de l'incompréhension totale, comme si on t'offrait une semaine tous frais payés à New-York, et que tu disais "non" ; ou son regard exprime de l'exaspération devant tant de bêtise (la mienne) et qui va sûrement lui faire louper son bonus de fin de mois. Oui, je ne doute pas qu'elles doivent avoir une prime sur le nombre de cartes qu'elles fourguent, sinon, comment expliquer autant d'insistance... Et comme, en plus, je mets un point d'honneur à refuser ladite carte avec un sourire Colgate, la vendeuse doit être à deux doigts de penser que je me fous de sa gueule.

Hier, je suis allée chez Damart.

**Interlude** Les Garçons, je vais vous flashouiller comme dans Men in Black, pour effacer votre mémoire immédiate, parce que entre la bouillotte et Damart, je vais vraiment finir par avoir autant de sexytude qu'une courgette racornie, si je continue. **Fin de l'interlude**.

Donc, chez Damart, disais-je. Pour chercher des collants opaques et d'une taille suffisante pour y caser mon postérieur, comme suggéré par Lady-in-red. C'était mon baptême de Damart, jamais entrée auparavant. Je file vers le fond du magasin pour chercher mon bonheur, que je trouve toute seule pendant que la vendeuse complètement godiche s'obstine à chercher ma taille dans un modèle qui s'arrête au M. "Attendez, je vais aller voir dans la réserve". Nan, mais laisse tomber, je vais prendre ceux-là... Vous êtes sûre ? O-u-i.
A la caisse, je poireaute une bonne cinquaine (?) de minutes derrière une jeune femme avec une petite fille qui en laisse pour 300 (trois cents) euros. !!!!!!!. Trois cents euros chez Damart. Y'a pas un truc qui te choque ?

En tout cas, Chouchou, dehors, commence à me lancer un oeil noir qui signifie à peu près "bouge ton cul ou je me casse". Je tends mes collants à la chef vendeuse (elle a un grand collier en nylon autour du cou, avec une carte et des clés qui pendouillent, et ça, c'est le signe de la chef), qui les prend d'un air las, l'oeil humide, encore toute à sa jouissance précédente (300 euros à une demi-heure de la fermeture, le 27 décembre, ça te fait un putain d'orgasme, faut voir).

Je tends ma carte bleue et là, attention, question qui tue : "vous avez votre numéro de cliente ?". Heu, non.

"Vous n'êtes pas cliente ?". Regard plein de reproches des deux mamies derrière moi, plus de celui de l'autre vendeuse qui attend avec un pyjama lavande et des chaussettes réversibles assorties. Heu, non.

"Je vais vous faire une carte, comme ça, vous pourrez recevoir le catalogue, les promotions, etc... bla-bla-bla". Non merci.

"Si, si, ça ne vous engage à rien". Non. Merci. Sourire Colgate.

Je crois que j'ai dû lui gâcher sa soirée, qui avait pourtant si bien débuté (trois cents euros). Et je soupçonne les mamies derrière d'avoir passé 10 minutes à commenter mon inconséquence de jeune donzelle (yeaaaaah !) qui ne sait pas à côté de quoi elle passe. Je suis ressortie toute auréolée de la victoire d'avoir, une fois de plus, su dire non.

Parce que merde, la carte fidélité Damart dans le portefeuille, c'est juste pas possible, quoi.

Ah bon, tu l'as ?