On se regarde...

L'une de mes citations favorites m'a été transmise par un formateur lors d'un stage sur la vente. A priori, je voyais pas bien ce que je fichais là, parce que c'est pas vraiment mon job, mais finalement, y'a deux / trois trucs qui me servent assez régulièrement.

Comme par exemple un truc qui dit "c'est celui qui pose les questions qui maitrise l'entretien".... Ou "le mercredi, y'a piscine". Celle-là, je sais plus bien pour illustrer quel concept c'était, mais c'est resté. Ou encore, la phrase qui est valable dans plein de situations :

On se regarde, on se désole

On se compare, on se console

Mais si, réfléchis. Un matin, tu trouves que tu as vraiment foiré ton make-up : le trait d'eye-liner n'est pas symétrique, t'as un peu forcé sur le blush (Pocahontas spirit), enfin pas terrible quoi. Et puis là, tu arrives à la boulangerie, et tu vois la boulangère. Ouh non di djou ! Elle est pourtant jolie la boulangère, des cheveux noirs, lisses et brillants et de jolis yeux noirs, une jolie peau, elle a moins de trente ans, mais plus de vingt. Et elle est maquillée comme une ado gothique qui serait fan de Jeanne Mas, époque Johnny Johnny : du noir étiré loin sur les tempes avec de l'eye liner blanc et du gris et encore du blanc. Tout ça avec un jolie tablier de boulangère, avec des volants sur les côtés. Y'a comme une espèce de paradoxe. Dans le rétroviseur, je me regarde, moi et mes yeux légèrement de traviole, je me désole. Je me compare avec Jeanne Mas, je me console. 

Et j'aimerais bien lui dire qu'elle a pas besoin de ça pour être jolie, mais je ne sais pas comment faire.

Un autre exemple : parfois, je me trouve vraiment pas terrible. C'est pas la peine de dire "mais non, mais si, tu sais... blablabla". Je t’assure, y'a des jours où je me sens pas terrible : trop grosse (forcément), trop vieille, trop ridicule pour mettre un tee-shirt à paillettes ou des ballerines en faux serpent violet. Je me désole. Et je rencontre une quelqu'une, bien plus mince, bien plus jeune, sans paillette, mais qui à l'air chiante et qui a l'air d'avoir dix ans de plus que moi. Je me console.

Alors, effectivement, vu comme ça, je me rends compte que ma petite phrase, elle peut être interprétée d'une différente manière : en fait, c'est le malheur des autres qui te fait prendre conscience de ton propre bonheur ? Ben oui, c'est ça. Attention, c'est pas pour autant que j'ai envie de rire du malheur des autres, j'aurais plutôt envie de leur communiquer le mien, de bonheur, et franchement, dire ça, ça aide à relativiser.

J'ai tendance, comme beaucoup, à m’apitoyer sur mon sort (je me désole), alors qu'au fond, j'ai pas de quoi (je me console).

J'ai une maison : ok, elle est loin de "la ville", mais elle est gigantesque, très belle, bien aménagée et confortable.

J'ai un Chouchou : ok, un peu chiant, souvent râleur et de mauvaise foi, mais qui cuisine super bien (tous les jours), qui accepte de réparer le truc qui fuit (au bout de trois mois et sous menace de ne plus avoir de turlute jusqu'à nouvel ordre, mais quand même) et qui parfois m'emmène en voyage.

J'ai un Crapaud-poilu : ok, adolescent-casse-bonbon, mais qui travaille super bien à l'école et qui accepte d'étendre le linge quand tu as demandé seulement deux fois. Et sans râler, c'est juste que la première fois, il a pas entendu. Hum hum.

J'ai un boulot : ok, c'est pas High School Musical tous les jours, mais franchement, ça pourrait être pire. Je pourrais aussi ne pas en avoir ou bosser pour un psychopathe, ou avoir une collègue qui a une haleine de chacal mort.

Je suis grosse : ok. Mais je pourrais aussi être toute maigre et pas jolie pour autant.

Tu trouves que ton cake olives-lardon n'a pas assez gonflé ? C'est parce que tu n'a pas encore vu (ni goûté) le cake topinambours-thon-cerises confites de ta voisine.

Tu trouves que la robe de mariée de la nouvelle femme de ton frère, super kitsch, a jeté un voile de mauvais goût sur l'ensemble de la famille. Sauf que finalement, c'est pas si cata : elle aurait pu choisir celle-là :

Si c'est effectivement ta nouvelle belle-soeur, toutes mes confuses. Là, t'as vraiment raison d'être désolé, et rien ne pourra te consoler.