Je connais Paris, ou en tout cas, disons que cette ville si elle ne m'est pas familière ne me fait pas vraiment peur non plus. Mes grands-mères habitent en région parisienne depuis toujours et j'y vais relativement régulièrement. J'ai pas peur, même si je ne suis pas très douée pour me repérer et le coup des arrondissements en escargot, ça colle pas des masses avec ma logique à moi. Admettons.
Je suis à Paris pour deux jours, pour participer à une formation dans le cadre de mon travail (mon vrai travail, hein, pas celui qui consiste à raconter des grosses bêtises ici). Plutôt que de dormir dans un hôtel moche, forcément pas terrible pour se caler dans le plafond de remboursement des frais imposé par ma boite, j'ai opté pour une solution plus sympa : dormir chez Mamie. Mamie habite dans le 9-4, à trois stations de la gare de Lyon, proche de mon lieu de formation. En plus, ça fait deux soirs qu'on boit du champagne à l'apéro, donc globalement, ça me va plutôt bien.
Premier jour de formation, de bon matin, je prends donc le RER (en face de chez elle), pour me rendre à l'hôtel Holiday Inn près de la gare de Lyon. Je marche d'un pas que je veux assuré, l'air de savoir parfaitement où je vais. Enfin, pas assuré, c'est vite dit, vu que j'ai mis des talons de douze (offerts généreusement par Maman), justes sublimes, histoire de passer pour une fille élégante et pas pour la bouseuse de la bande, vis-à-vis des autres participants.
Je guette mon RER, je monte dedans et là, j'essaye de me fondre dans la masse en tentant de ressembler à la fille qui fait ça tous les jours. Mais je suis à chaque fois sidérée par l'air tristounet des gens, chacun a le nez dans son journal, son bouquin, son téléphone, s'appliquant surtout à ne pas regarder les autres, on sait jamais, purée, des fois qu'ils croisent un regard.
Je m'efforce donc de ne pas fixer cette jolie blondinette qui d'un geste incroyablement sûr, met du crayon noir sur ses yeux, le coude droit enroulé autour de la barre centrale, le sac à mains coincé sous l'aisselle gauche. La rame freine, son crayon se lève doucement, puis reprend son travail une fois la vitesse stabilisée.
Je m'efforce de ne pas fixer non plus cette fille noire, de dos, dont je n'arrive pas à déterminer si ce sont ses vrais cheveux, lissés et méchés, ou des extensions.... Mes yeux croisent furtivement dans le reflet de la porte, quelqu'un qui me sourit. Merde, c'est moi ! La vache, arrête de sourire comme une gourdasse, tu vas te faire repérer.
Je sors de la rame et là, j'avance le nez en l'air, pour essayer de trouver quelle sortie je dois emprunter. J'ai potassé le plan de Paris avec Mamie, il faut que je sorte près du Boulevard Diderot. Voyons... c'est pas indiqué, que dalle. J'avance, je finis par trouver un plan > sortie 1 : Bd Diderot. Je souris. Stop, purée, arrête de sourire, on t'a dit. Trop fière, j'emprunte le long couloir genre "je fais ça tous les jours", alors que j'ai réellement l'impression d'avoir un petit losange de Sims au-dessus de la tête pour indiquer "provinciale". Je trouve mon chemin avec une facilité déconcertante. Je suis au top de mon estime personnelle de moi-même. Pour un peu, si je m'écoutais, j'irai acheter un pass Navigo.
Comme toute bonne fille provinciale à Paris qui pense qu'un pauvre trajet de trois stations dure nécessairement 45 minutes, je suis arrivée avec 30 minutes d'avance à l'hôtel qui accueille visiblement plus de gens en formation que de personnes qui y séjournent. J'ai envie de faire pipi, mais comme je ne suis pas vraiment sans-gêne, je vais au bar de l'hôtel, je commande un café. Je ne peux pas aller directement aux chiottes et risquer de me faire interpeller pour le réceptionniste "Excusez-moi, Madame, je peux vous aider ?", avec le ton soupçonneux d'un barman de station balnéaire qui n'en peut plus de voir des touristes utiliser ses toilettes sans jamais "consommer".
Le summum de la honte serait de passer une pour fille malpolie et profiteuse. J'ai donc commandé un café, je l'ai bu. Super, un expresso, avec un goût... d'expresso normal, tu peux le voir sur la photo, il n'est pas non plus servi dans une tasse en vermeil.
En revanche, j'ai bien dû avoir une tête de provinciale mal embouchée, quand le barman m'a fait payer 3.60 € (trois euros soixante), pour son putain d'expresso. Ou alors, il a repéré le losange vert au-dessus de ma tête indiquant dans une info-bulle seulement visible des parisiens pure souche "Seule personne de l'hôtel qui commande un café pour aller faire pipi". Il s'est dit "Banco, vl'a une provinciale, je vais l'enfumer grave". NON ? Ça veut dire qu'il y a vraiment des gens qui pensent que 3.60 € pour un café, c'est un prix normal ?....
A Paris, j'ai l'impression d'être visible comme le nez au milieu de la figure : provinciale qui sourit à des gens qu'elle ne connait pas, provinciale qui a l'air détendu de celle qui fait ça deux jours dans l'année, provinciale cucul qui demande pour aller faire pipi, provinciale outrée de payer un prix hallucinant pour un café.
Tu sais quoi ? Au bout du compte, je m'en fous, parce que toi, Parisien, quand tu viens en vacances dans ma ville, le losange vert, c'est bien au-dessus de ta tête qu'il va aller se loger.
Surtout quand tu vas vouloir manger des moules marinières en plein mois de février... ;-)
Tu décris très bien ce que j'ai vécu pendant 18 ans... Les gens qui font la gueule, qui te bousculent sans s'excuser. Une petite atmosphère de paranoïa.
RépondreSupprimerQuand je suis retournée en province, quel soulagement ! Mes premières courses dans un supermarché : une boîte de conserve sur la dernière étagère. Hors de portée. Un jeune homme derrière moi "madame, voulez-vous que je vous aide ?". A Paris, j'aurais sautillé pendant 2 heures, et personne ne m'aurait aidée. Je me souviens encore de mon étonnement ravi...
Ici, les parisiens sont étonnés qu'il n'y ait pas le chant des cigales toute l'année !
Ah bon, y'a pas le chant des cigales toute l'année ?... ;-)
SupprimerJe suis contente d'être rentrée chez moi, même si j'aime bien faire un saut à la capitale. Sauf que là, c'était pas du tourisme mais du travail, donc pas vu grand chose...
Si ça peut te rassure, je m'offusque aussi de la vie parisienne. la dernière fois en boîte, j'ai payé un simple et innocent Coca 8 euros... BIM
RépondreSupprimerOuch, ça fait mal aussi et ça fait cher la bulle.
Supprimer... Eh moi qui vais débarquer à Paris d'ici quelques mois... Tout ça me donne tellement envie tiens!! -_-****
RépondreSupprimerY'a plein de trucs bien à Paris aussi, faut pas que j'exagère ! ;-)
SupprimerAhaha Quand je retourne à Paris, je sens cette marque (mais sur mon front) surtout quand tout le monde te bouscule parce que tu ne vas pas assez vite (pourtant tu "cours", mais bon).
RépondreSupprimerOui c'est cher pour un expresso, surtout sans mignardise !
T'as raison, même pas un macaron pour accompagner. Des vrais rapiats !
SupprimerSuper article, tout est dit, et avec humour et légèreté, comme toujours :-)
RépondreSupprimerEx-parisienne désormais expatriée, je fais tout ce qui est possible pour ne pas retourner vivre à Paris! Quand j'y étais, je m'y plaisais bien. Et la première fois qu'on est allé prendre un café entre collègues à Bruxelles, j'ai failli payer la tournée générale pour le prix de 3 cafés à Paris!
Pourtant, j'aime bien y aller de temps en temps, pour faire la touriste et aller dans les graaaaaands magasins ;-)
SupprimerExcellent !
RépondreSupprimerMoi j'suis à Fontenay sous bois et dire qu'on aurait pu se boire un café ensemble...mais pas à 3.6€ le café promis !
Belle description des transports en communs en heure de pointe... Et encore, ce n'était pas un jour de grève ; )...moi j'ai la chance d'aller bosser en voiture...
Préviens moi la prochaine fois que tu seras sur Paris !
Heureusement que ce n'était pas la grève, tu m'étonnes !
SupprimerC'est incroyable ce talent que tu as de mettre en mots ces sensations... c'est EXACTEMENT ça... même au bout de 10 ans, ça me le faisait toujours. Alors, j'suis partie à la campagne finalement... Et est-ce que ça te fait ça aussi : il fait moins de 10 minutes de RER pour te conforter dans ton choix de ne PAS élever les crapauds, poussins et autres miniatures dans cette ville de fous (respect pour ceux qui y arrivent)
RépondreSupprimerJe n'aurais jamais pu imaginer élever des enfants à Paris et je suis effectivement admirative de ceux qui arrivent, tout en sachant que la plupart n'ont tout simplement pas le choix que d'y arriver.
SupprimerMerci pour tes compliments !
C'est bien pour ça que je bois pas de café ;)
RépondreSupprimerJ'adore ta chute !
T'as raison, plus de café, ça énerve de toute façon ;-)
SupprimerUn jour une amie m'a parlé de toi. Par curiosité je suis aller voir cette "Blonde paresseuse". Et maintenant c'est limite si je ne suis pas accro ! En tout cas j'aime ton style et à chaque fois ce n'est pas loupé, je me marre. Alors juste Merci j'espère en tout que ça te procure autant de plaisir d'écrire que moi j'ai de te lire.
RépondreSupprimerMais dis donc, c'est drôlement gentil tout ça. Bienvenue et reviens quand tu veux ;-) Et merci à ton amie de faire de la si bonne propagande !
SupprimerJ'ai choisi et j'aime cette ville même si un coca en terrasse peut atteindre des prix inimaginables... Il y a tellement d'autres trucs ! Et des gens plus agréables qu'on le croit : par exemple, si tu as une poussette dans le métro, il y a toujours quelqu'un pour aider à la porter dans les escaliers. Bon, je ne vais pas faire ma parisienne qui aime tout, mais Paris est une ville qu'il ne faut pas juger trop vite, je crois.
RépondreSupprimerJ'y souris souvent béatement, on ne me traite pas de touriste pour autant (peut-être de folle, mais tant pis !)
Ceci dit, dans ta ville, un coca en terrasse sur le port, c'est pas donné non plus...
Et quand je viens dans ta ville, je ne crois pas trop avoir le petit losange vert au-dessus de ma tête... Si ? je l'ai aussi ?
Meuh non, tu n'as pas de losange ! Mais tu n'es pas vraiment non plus une touriste "de base"....
SupprimerEt puis j'aime bien Paris aussi, quand j'y viens pour me balader. J'aime Paris pour deux jours, quand je visite, quand je profite de la capialte, et je suis contente ensuite de rentrer chez moi.
Ça me fait plaisir de savoir qu'il y a des gens qui font preuve d'un peu d'humanité aussi. Et heureusement !
Oh làlà, on est tout prêt l'une de l'autre aloooooors :)
RépondreSupprimerBen plus maintenant, je suis rentrée ;-)
SupprimerBonjour,
RépondreSupprimerJe ne commente jamais, même si je viens ici tous les jours..
Mais bon je me permets de dire que :
- 3.60€ un café c'est juste honteux, à Paris ou ailleurs
- le matin nous ne sommes pas tristes ou effrayés à l'idée de croiser un regard, nous sommes juste .. le matin sur le trajet du boulot / école, encore un peu en dedans, pas vraiment réveillés, pas vraiment prêts à discuter ou à sourire à la vie. Je crois que c'est pour tout le monde pareil non?
- les transports en commun sont un lieu de passage pas de communication débridée et qu'à Rome, Milan, Lyon, Londres c'est pareil.
- Paris est une ville que j'ai choisie, que j'aime passionnément, que je déteste parfois, que je fuis et qui me manque. On y rencontre des sourires fugaces, des égarés, des agités, des musiciens, des amoureux, des reflets sur la Seine et des odeurs d'herbe coupée...
Alors chère Blonde Paresseuse, continue de sourire dans le RER (mais ne bloque pas les escalators en restant à gauche!!!!)parce que c'est bon un sourire le matin (pi si t'es à gauche et que tu entends pester ptêt c'est moi :-)).
j'ai oublié de dire que je me suis bien marrée avec cette histoire de losange au dessus du front qui clignote 'provinciale'.
SupprimerMême que depuis hier je râle plus dans le métro. Ca ne va pas durer hein. Si tu dis vrai et que les provinciaux pensent qu'il faut 45 minutes pour 3 stations, j'ai tendance à penser moi que mon trajet de 30minutes n'en prend que 20 et que donc pouuuuuuuuussssssssssssssssssse toi!!!!
Chère Lého, merci pour ce long commentaire ! Il est vrai qu'un moyen de transport n'est pas nécessairement le meilleur lieu pour s'en payer une bonne tranche et moi aussi, dans ma voiture le matin, faut pas me chercher...
SupprimerJ'aime beaucoup Paris, quand c'est temporaire et je crois que je serais malheureuse d'y vivre tout le temps.
Et je te rassure, je connais suffisamment les usages pour bien me coller à droite de l'escalator ! ;-) J'essaye de me faire toute petite, mais, bon, euh ça, c'est pas gagné !
Allez, file, tu vas être en retard !