J'ai 10 ans, à peu près. Peut-être 11, je ne me souviens plus vraiment. A la maison, en fin d'après-midi, on s'équipe dur. Chaussures de marche, pull, coupe-vent. C'est assez inhabituel ces derniers temps de s'équiper de cette façon.
On prend la route tous les 6. Je ne me souviens plus si on avait une ou deux voitures. A l'époque, quand on allait à la plage, on s'entassait à 6 dans la Simca, plus le chien et la planche à voile sur le toit. Pas de ceintures à l'arrière, ma soeur entre mes genoux, coincées entre les deux garçons, ça ne posait pas de problèmes !
Là, le chien reste à la maison, la planche à voile aussi. On sent bien que c'est un truc spécial. On fait pas mal de route et on arrive tout en haut, dans les nuages, il y a déjà quelques voitures garées. Maman nous prévient qu'il va falloir marcher et faire bien attention où on met les pieds.
La descente commence, les yeux rivés sur le sol noir, on avance prudemment en se tenant un peu à la paroi. Dans mon souvenir, c'est super raide. Au loin, des files de fourmis colorées, d'autres personnes avancent vers le point central, vers là où ça se passe.
En bas de la pente, nous sommes dans une grande étendue circulaire avec des monticules ici et là. On est dans la caldera et on doit marcher encore.
Alors que nos pieds avancent sur le sol noir, lisse et brillant, subitement on la voit. La rivière de feu qui coule entre deux rochers, rouge, fluide, chaude. Ça coule comme de l'eau. Lorsqu'on s'approche un peu, pas trop près quand même, retenues par les épaules par Maman ou Biquet, on sent la chaleur puissante nous dévorer le visage. Et dès qu'on recule, le froid de la nuit naissante et de l'altitude nous saisit à nouveau.
J'ai le souvenir de la beauté des gerbes de feu, de la nuit, le souvenir du danger aussi. On est si proches. Les garçons s'approchent, toujours plus près pour faire des photos. Les parents les rappellent à l'ordre et ils ont eu bien raison car quelques instants plus tard, le promontoire où il étaient juchés est devenue lave incandescente.
Ninou-ma-soeur et moi, on est crevées. Il est tard, il fait nuit et on a beaucoup marché. Il nous reste à remonter vers la voiture. Je ne me souviens plus du chemin du retour, je pense que j'ai dû dormir, épuisée par l'expédition.
J'ai 10 ans, peut-être 11 et cette sensation de froid brûlant, je l'ai encore dans ma chair. J'ai des images gravées dans ma mémoire : la roche noire, la paroi verticale, nos coupe-vents colorés, la lave qui coule, les gerbes de feu.
C'était au Piton de la Fournaise, île de la Réunion, au début des années 80. J'ai vu une éruption en vrai, de tout près, en famille, de nuit...
Ce matin, au hasard d'une vidéo dans mon fil d'actu Facebook, le froid brûlant et les gerbes de feu sont revenues dans ma mémoire, d'un coup. Intacts.
J'ai vu ce Piton, mais pas en activité. A l'époque, j'avais un chéri Réunionnais, j'ai gardé des contacts là-bas, mais je n'y suis pas revenue depuis 1991 ou 92... J'ai vu la lave qui a contourné l'église toute blanche. J'imagine l'excitation de la scène que tu as vécue !
RépondreSupprimerC'est un joli souvenir. Joliment joliment raconté (mais je crois que tu as fait une faute de frappe à juchés)
Et l'île de la Réunion un magnifique endroit...
Yes, merci, corrigé ;-)
SupprimerMoi aussi je l'ai vu, mais pas en activité non plus. Mon papa est réunionnais, et il a emmené sa petite famille (nous 7 quand même !) dans son pays, pour la première fois, l'an dernier. Pour moi, ce fut un coup de coeur.
RépondreSupprimerDu coup j'ai une question : ça ne te manque jamais ? la bas je veux dire : le chaud, la gentillesse, la mer toute l'année...
Quel souvenir incroyable !
RépondreSupprimerQuel superbe histoire (et vraie en plus!)!
RépondreSupprimerJe pense que tu réalises aujourd'hui la chance que tu as eu de voir ce spectacle unique!
l'incroyable puissance de la mémoire... Aussi forte qu'un volcan en éruption...
RépondreSupprimerWaou ! Quel beau souvenir !
RépondreSupprimerTu as réveillé un de mes rêves d'enfant : monter sur l'Etna, je vais aller voir comment faire tiens !
Des bises
Ariane
C'est très bien quand les parents offrent des souvenirs exceptionnels à leurs enfants !
RépondreSupprimerQuel souvenir ! Un des mes voeux les plus chers depuis que je suis gamine: assister à ça ! Enfant, je voulais écrire à Haroun Tazieff pour lui demander de m'emmener dans une de ses expéditions !
RépondreSupprimerMutée pour raisons professionnelles à la Réunion en 1980, j'ai le souvenir d'un paysage lunaire.
RépondreSupprimerPfff...on avait prévu d'y aller ce matin très tôt avec mon aîné (10 ans). Mais il y a AUSSI un cyclone qui menace alors on préfère attendre, en espérant que l'éruption dure...
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