1 juin 2015

Pour un coup de tampon



Matthieu en a ras-la-casquette. Même s'il aime son boulot, l'astreinte du dimanche le gonfle prodigieusement, surtout quand c'est la troisième du mois. Ok, y'a les congés à solder pour tout le personnel avant le 31, mais il a vraiment l'impression de s'être fait couillonner.


A cause de ça, il ne peut pas profiter de la journée avec son fils. Il a promis qu'il passerait l'embrasser en fin de journée, avant qu'il ne retourne chez sa mère... Il ne l'a avec lui qu'un weekend sur deux et il a eu beau essayer de le faire valoir auprès de son chef, le planning n'a pas pu être modifié, surtout que Jean-Claude est arrêté à cause de sa cheville. Son fils lui manque.

A cause de ça, il ne peut pas non plus regarder le match de Monfils contre Federer, tranquille en mode free-boules dans son bermuda Coq Sportif, une bière à la main. Il aime bien Roland-Garros, ça l'aide à oublier son ex qui le gonfle parce qu'elle ne veut pas qu'il laisse son gamin chez sa sœur Noémie pendant une semaine cet été.

A cause de ça, il est ronchon, il est fatigué, il a peur de ne pas bien faire ce pour quoi il est payé, sa responsabilité. Matthieu hésite, il est consciencieux d'habitude mais là, son gamin lui manque. S'il doit encore passer cet appareil en revue, la baby-sitter l'aura déjà fait dîner, il sera couché et ... c'est trop. Il est malheureux.

Matthieu est fatigué, Matthieu veut rentrer. Il va voir son responsable et lui balance une excuse bidon mais crédible. Il est pâle naturellement mais c'est vrai qu'il a vraiment mauvaise mine. Il en joue un peu, s'approche en se tenant le ventre, explique au chef qu'il pense qu'il a une gastro, qu'il vient d'aller plusieurs fois aux toilettes que c'est pas beau à voir. Il veut rentrer, il ne peut pas assurer.
Il ne reste qu'un appareil dont le certificat expire à 22h59 ce soir. D'ici là, il sera arrivé à destination et là-bas, ils trouveront bien un mécano pour effectuer les vérifications et signer le document.

Son chef hésite, lui aussi en a un peu marre de passer son temps à gérer des plannings. Il acquiesce et lui dit qu'il peut rentrer. Matthieu se change, se dépêche, espère arriver à temps pour embrasser son loupiot. Il n'est pas fier, mais la perspective du câlin qui l'attend rattrape tout. Il attend d'être dans sa voiture pour accrocher un faible sourire à son visage.

* * *

Lundi matin, Armelle se lève à 4h15 dans la perspective d'un déplacement de 2 jours. Douche, un café, brossage des dents, habillage, contrôle du sac et des documents pour les réunions, un coup rapide de makeup, faire le lit.
Elle saute dans sa voiture et rejoint ses collègues pour se rendre à l’aéroport. Le décollage est prévu à 6h15. Tout le monde est à l'heure, les contrôles s'effectuent sans souci, même si ça fait longtemps qu'elle ne s'est pas faite autant palper par quelqu'un qui n'est pas intime. L'employée de la sécurité avec ses rangers lui tâte les cuisses jusqu'au ras de la salle de jeux. Punaise, dès le matin... c'est pas terrible... Pendant une fraction de secondes, elle s'est même dit qu'elle allait lui coller un doigt dans le vagin pour vérifier ce qui sonnait sous le portique (au final, un bracelet) (mais pas dans le vagin, au poignet).

Dans la salle d’embarquement, la machine à café automatique lui tend les bras, elle ne se fait pas prier, complètement dans le gaz. Tiens, il est 6h15 et visiblement, le personnel n'a pas l'air de s'affoler pour l'embarquement. Ça sent pas bon. Un premier message criard dans les hauts-parleurs informe que pour des raisons indépendantes de la volonté de quiconque, le départ du vol sera retardé.

Combien de temps ? Pourquoi ? Jamais personne n'a la réponse à cette question. Ça sert même à rien de la poser vu que la jolie nénette, une fois son annonce diffusée, a filé plus vite qu'un chat qu'on veut égorger, comme dirait sa belle-mère (sa belle-mère lui fout les j'tons des fois).

Les gens poireautent, se regardent les uns les autres, hagards, la figure chiffonnée, avec leurs mallettes, leurs p'tites valises et leurs yeux bouffis. Le temps passe, toujours rien.
C'est long.
C'est chiant.

La jolie revient, glisse le long des murs de la salle d'embarquement en mode furtif et balance au micro que... le vol est annulé. Elle invite les passager à ressortir et à se rendre au guichet d'information. Il est 7h15, ça fait une heure qu'on aurait dû décoller. Ça rouspète, mais pas tant que ça finalement, ils ont visiblement l'air désabusés. Les gens échafaudent des plans : partir de Bordeaux, de Nantes, en fin de journée, le lendemain, annuler ? 
Oui, mais la correspondance ? ...
Oui, mais la réunion ?...

Armelle et ses collègues attendent dans la file et finissent par se décider pour le vol qui part dans l'après-midi. Il est complet. Bon, ben celui de demain matin alors... Ok.
Et sinon, pourquoi le vol est annulé ? Il a un problème technique ?
L'employé de l'aéroport a un sourire navré.

- Non, pas du tout, il va même très bien. C'est purement administratif. Il n'a pas pu avoir la visite de contrôle hier soir à Lyon avant de venir et le certificat expirait à 22h59. Comme c'est dimanche, il n'y avait pas de mécanicien disponible à La Rochelle, on a essayé d'en joindre un ce matin, mais ça n'a pas été possible.
- Ah.
- Comme le certificat est expiré, la DGAC nous interdit de voler.
- Ah.
- Mais l'avion va bien. On est vraiment navrés.

*Soupir*

- Du coup, on fait quoi ?
- Ben, on va bureau.
- Ben ouais.

Se lever à 4h15 pour rejoindre le bureau à 8h00, même si Armelle n'est pas bien rapide le matin, c'est un peu too much quand même. 

-*-*-*

Bien entendu, la première partie est fictive, mais j'ai passé à journée à imaginer la raison pour laquelle le fucking papier n'avait pas pu avoir son fucking tampon.

Allez, demain, on s'y recolle.



21 commentaires:

  1. Smouik1/6/15

    ha ha, j'adore ! Quelle imagination... c'est vrai que quand on attend un avion qui finalement ne part pas, on a du temps pour gamberger ! En fait, c'est moi qui ai enfermé le gars de la vérif' dans les chiottes de l'aéroport, histoire d'avoir une jolie histoire today ;-D

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. DOMINIQUE2/6/15

      Perverse ! Mais le résultat en valait la peine.

      Supprimer
    2. Ouais, grosse perverse.

      Supprimer
  2. Sophiefromthetrain1/6/15

    Donc. Tu n'écriras plus de romans, mais des nouvelles ! Yeaaaaaaaah ! ��������

    RépondreSupprimer
  3. Val Làô sur la Colline1/6/15

    Hahahaha ! Très bon !
    (Pas terrible le matin ? Ah bon ?)

    RépondreSupprimer
  4. Phedia1/6/15

    Ils sont trop fort chez easy jet (ben oui prévenir les gens en temps et heure, ce n'est pas noté dans leurs compétences. Mais les faire poireauter oui). Heureusement que ton imagination est débordante, on y a gagné une chouette nouvelle. Yepa ;-)!!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ben c'était pas Easy Jet, c'était Hop! mais effectivement, visiblement y'avait pas moyen de prévenir avant...

      Supprimer
  5. Ah, je me demandais à quel moment ce Matthieu allait interférer avec toi ! Très sympa cette petite histoire...
    (Le bracelet, pas dans le vagin, merci du fou-rire)

    RépondreSupprimer
  6. Reine2/6/15

    Oh! super l'histoire!! j'ai été vraiment prise par le texte....mais quel talent, ma caille! tu m'esbaudis !! Really.
    Je compatis, j'ai passé une bonne partie de ma vie dans les aéroports à attendre , et encore à attendre..(la machine à café devient ta meilleure amie, ainsi que le kiosque à journaux/barres de chocolat, et tu finis par t'acheter un tee-shirt qui te coûte un bras + un parfum duty free dans une des boutiques :)).J'ai même dormi dans certains d'entre eux ( souvenir d'un espace sleeping à Zurich , une sorte de cabine spatiale avec tubes-couchettes fermables où pour une dizaine d'euros, tu peux t'allonger....draps en papier ... si tu es claustro, vaut mieux oublier ... )
    Bon courage...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Le pire ma belle, c'est que je ne pouvais rien acheter, tout était fermé à cet heure-ci. L'aéroport de La Rochelle, c'est pas Roissy II question duty-free.... Galère.

      Supprimer
  7. quelle imagination!! je suis admirative!! ces histoires de vol annulés... j'en ai soupé pas mal... ma plus longue attente (en devant rester dans l'aéroport hein) a été de 36 heures... avec mon gosse d'à peine 2 ans à l'époque avec moi). Mais moi, j'ai tapé le scandale, j'ai appelé à la mutinerie... :)

    RépondreSupprimer
  8. Très chouette ta façon de voir les choses... Belle et salutaire imagination qui permet de ne pas monter au créneau chaque fois que l'on attend (à la gare, avant de s'envoler ou quand le médecin qui a fixé le RV est en retard par exemple...)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, je fais aussi beaucoup ça avec le médecin, ça m'aide à relativiser !

      Supprimer
  9. J'adore la façon dont tu as détourné ces péripéties ^^ ça nous vaut un chouette billet !!

    RépondreSupprimer
  10. leyleydu953/6/15

    J'aime ton histoire!
    En plus, ton "héros" s'appelle Matthieu comme mon petit pirate alors !...

    RépondreSupprimer
  11. Chris (aka Paquita Chocolatera)3/6/15

    Tu as un sacré talent de noveliste ! J'étais complètement dans l'histoire !

    RépondreSupprimer